C’est l’article en une d’un grand quotidien français il y a quelques jours qui a porté à la connaissance du public la fronde des locataires berlinois : ils s’insurgent contre le niveau des loyers pratiqués par les propriétaires. Ils ont augmenté de 120% dans la capitale depuis 2004 et de 20,5% de 2016 à 2017. Dans des proportions moindres mais élevées néanmoins, d’autres villes importantes d’Allemagne, dans d’autres Länder, souffrent du même mal. Il faut ajouter que la plupart de nos voisins d’outre-Rhin sont locataires et que ce statut est essentiel. Le bon fonctionnement du parc locatif privé est déterminant là-bas, plus encore que dans notre propre pays. D’après la fondation allemande Hans-Böckler, il manquerait en Allemagne 1,9 million de logements à loyers abordables, dont 310.000 dans la seule ville de Berlin.

Plusieurs enseignements à tirer de cet événement. D’abord, le débat sur la cherté des loyers et la désolvabilisation de la demande n’est pas une exclusivité française. Depuis l’engagement lors de la campagne présidentielle par François Hollande, repris dans la loi ALUR par Cécile Duflot avec l’instauration d’un plafonnement des loyers, la communauté immobilière donne un peu le sentiment d’une exception nationale, et d’un débat politique absurde. Que n’a-t-on dit sur ce choix, taxé d’idéologie au mauvais sens du terme ! Et que ne dira-t-on dans les prochaines semaines : le projet de loi ELAN, dont beaucoup attendait qu’il tue l’encadrement, le confirme en tirant les leçons des arrêts de Cour administrative qui ont invalidé le mécanisme à Lille et à Paris.

Pour rendre le dispositif légal, c’est la loi qui sera modifiée : au lieu de disposer comme le faisait l’ALUR que l’encadrement doit concerner toute une agglomération, l’ELAN dira que l’échelon de la commune est pertinent et qu’il appartient d’ailleurs aux maires d’en faire la demande à l’État. En outre, il s’agira d’expérimentations limitées dans le temps.

Emmanuel Macron a déçu les libéraux de l’immobilier en ne revenant pas sur le principe de juguler les loyers. Pouvait-il faire autrement ? Ne fallait-il pas être attentif aux cadres locataires qui, votassent-ils à droite, sont favorables à un mécanisme de maîtrise ? Quand on voit les manifestations de colère de nos amis germains, on comprend la prudence du chef de l’État français. Peut-être anticipe-t-il en outre que les demandes des maires seront peu nombreuses… Si tel est le cas, pas sûr qu’il ait raison d’ailleurs.

Mais l’autre grand enseignement de l’ire des locataires des principales métropoles allemandes ressort à l’ignorance que nous avons de la situation des pays étrangers en matière de logement. Car enfin, vingt ans qu’on érige de ce côté de la frontière le modèle allemand de traitement fiscal de l’investisseur privé. On vante un mécanisme dans lequel un propriétaire bénéficie d’une considération fiscale meilleure, avec des possibilités d’imputation et de déduction majorées, s’il consent des loyers plus bas, et réciproquement. Alors que s’est-il passé ? Cette logique s’est-elle enrayée ? Ce serait embêtant parce que le statut du bailleur privé réclamé par les organisations d’administrateurs de biens chez nous a été conçu sur les bases qui ont inspiré les allemands il y a trente ans.

En fait, notre science des marchés étrangers est faible. Il faut marquer de la gratitude au Crédit foncier, qui déploie de beaux efforts pour faire progresser la connaissance des territoires hors de nos frontières, à commencer par les autres pays de l’espace européen. L’organisation internationale de l’immobilier, FIABCI International et son chapitre français FIABCI France, œuvre également dans ce sens. Il serait utile que les assemblées parlementaires, notamment grâce à leurs structures de droit comparé, portent un regard élargi sur les politiques du logement. Le parlement européen pourrait aussi jouer ce rôle de vigie des politiques publiques pour le logement.

Il n’est que temps en tout cas que nos stratégies pour le logement s’inspirent de ce qui réussit ailleurs et que nous ne nous payions plus de mots au moment d’évoquer des exemples étrangers, sans savoir vraiment de quoi nous parlons.

source:/www.capital.fr/